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Nicolas Van Cranenbroeck. « La paroisse mène à Dieu »

Nicolas Van Cranenbroeck

La paroisse mène à Dieu

Àl’issue de notre pèlerinage, à Anne et à moi, en Terre Sainte d’avril 2016, notre guide (dans tous les sens du terme), le Père Yannick (Provost), à notre souhait d’être chrismés et d’entrer dans la communion de l’Église (orthodoxe), nous avait vivement encouragés à trouver une paroisse. En effet, nous

Le Père Yannick et Monseigneur Jean de Charioupolis
en Terre Sainte (avril 2016)

avait-il dit à plusieurs reprises et avec insistance : « Il n’est pas bon d’essayer de mener une vie de Foi de manière isolée. »[1]

Habitant au cœur de la vallée de la Molignée (Province de Namur), nous nous sommes alors posés la question de trouver une paroisse orthodoxe proche… Mais c’était plutôt le désert…

Très engagé dans la connaissance et la protection du patrimoine dans la région de la Molignée, j’avais participé comme organisateur à plusieurs Journées du Patrimoine en Wallonie au cours des dernières années.

En juillet 2016, alors que la date de notre chrismation à Quimper (Bretagne – France) avait été fixée au dimanche 28 août, en la fête de saint Moïse l’éthiopien et de sainte Anne, la prophétesse qui reçut le Christ dans le temple (nouveau calendrier), mais aussi en la fête de la Dormition de la Très Sainte Mère de Dieu (ancien calendrier), nous avions reçu le programme des Journées du Patrimoine en Wallonie 2016. En le feuilletant, Anne avait découvert qu’il y avait une église orthodoxe à Liège, rue du Laveu, et que celle-ci serait ouverte à cette occasion le samedi 10 et le dimanche 11 septembre 2016, c’est-à-dire après notre chrismation. Nous avons alors décidé d’anticiper ce week-end incontournable pour les amoureux du patrimoine et de participer à la Divine Liturgie le dimanche précédant notre chrismation (dimanche 21 août). Le Père Yannick, contacté par nos soins au sujet de cette démarche, nous avait vivement encouragé à la réaliser et cela d’autant plus qu’il connaissait bien le Père Alexandre par l’Institut Saint-Serge à Paris.

C’est donc la première fois que nous sommes venus à la paroisse Saint Alexandre Nevski et Saint Séraphin de Sarov. Aimant depuis longtemps saint Séraphin de Sarov et connaissant sa vie, j’étais très attiré par ce lieu. Nous avons assisté à une magnifique Divine Liturgie accompagnée par un chœur priant. D’emblée, nous avons été frappés par l’atmosphère de prière de l’église, plongée dans une semi-obscurité et dont la remarquable iconostase nous accueillait avec ses couleurs et ses ors. Nous nous sommes immédiatement sentis « chez nous » dans la maison du Seigneur qui est au Laveu. Le Père Alexandre est venu nous saluer après la

Monseigneur Jean de Charioupolis au Mont des Oliviers
(pèlerinage en Terre Sainte d’avril 2016)

Divine Liturgie et nous lui avons expliqué les raisons de notre présence. Lorsqu’il a appris que nous allions être reçus dans la communion de l’Église le dimanche suivant par le Père Yannick, il nous a répondu qu’il le connaissait bien et qu’il entrerait en contact avec lui à notre sujet. Le Père Alexandre nous a alors suggéré de découvrir d’autres paroisses avant de faire notre choix mais que si nous choisissions celle-ci il serait heureux de nous accueillir avec le Père Guy et les autres paroissiens. Mais notre choix était fait. Dieu nous avait conduits à Liège pour commencer notre vie de « bébés orthodoxes » (nous avions en effet beaucoup à découvrir et c’était une grande grâce). De plus, cadeau du ciel, c’est Monseigneur Jean de Charioupolis qui allait devenir de ce fait notre Archevêque, lui qui nous avait accompagnés lors de notre pèlerinage en Terre Sainte d’avril 2016.

Le dimanche suivant notre chrismation, nous étions de retour dans notre paroisse. Le Père Alexandre nous a accueillis avec joie en nous disant qu’il avait été informé par le Père Yannick de notre chrismation. Comme nouveaux paroissiens et pour notre première communion en notre paroisse, nous avons reçu en cadeau, à la fin de la Divine Liturgie, une grande prosphore.

Notre saint Père Jean Chrysostome a plusieurs fois insisté dans ses homélies sur l’importance de la famille, « petite église ». Nous pouvons en effet vivre notre vie de Foi au sein de notre famille, petite église domestique. Mais nous avons aussi découvert grâce à notre paroisse vivante que celle-ci est également une « petite église ».

Disons-le en vérité, en rendant gloire à Dieu : nous n’avons jamais vécu une telle vie paroissiale, aussi fraternelle, aussi intense et aussi tournée vers Dieu.

Ce que nous y avons trouvé de merveilleux, c’est que nous avons pu vivre plusieurs années (cycles) liturgiques en communion avec les autres paroissiens. Les fêtes, les périodes de jeûne, les pannychides, les molebens et les agapes nous rassemblent et resserrent les liens fraternels. Lorsque nous sommes en Grand Carême, nous savons que nous ne sommes pas seuls à jeûner. Lors des fêtes, nous les vivons ensemble après les avoir préparées. En réalité, nous nous portons les uns les autres. Lorsqu’un paroissien ou une paroissienne nous confie ses inquiétudes, ses préoccupations, ses souffrances ou ses joies, nous pouvons les porter dans notre prière quotidienne.

« Voyez aujourd’hui qu’il est doux, qu’il est bon d’avoir des frères, d’habiter dans l’unité. C’est comme de la myrrhe sur la tête, comme celle qui descendit sur la barbe d’Aaron, et de là sur la frange de son vêtement ; ou comme la rosée d’Hermon, qui descend sur les montagnes de Sion ; parce que là le Seigneur a voulu que fussent la bénédiction et la vie dans tous les siècles. » Psaume 131, 1 à 3.

A plusieurs reprises, nous avons vraiment senti dans notre paroisse « l’esprit des Actes des Apôtres », cette vie fraternelle, ce partage et cette attention portée aux autres sous le regard de Dieu.

Chaque année, à la veille du début du Grand Carême, lors des Vêpres du Pardon, nous nous demandons mutuellement pardon : c’est toujours un moment privilégié et unique que Dieu nous donne pour resserrer nos liens envers les uns et les autres. Car il nous est tellement facile de juger… et de salir ainsi le Christ qui est en chacun de nous.

Chaque dimanche, nous faisons 90 km en voiture pour venir à la Divine Liturgie et autant pour rentrer à Maredret. Nous arrivons toujours plus tôt pour avoir la joie de revoir Lydia et Larissa, nos deux paroissiennes dévouées dans la salle paroissiale pour préparer le café, le thé/tchai et les biscuits, et les autres paroissiens. Lorsque la Divine Liturgie est terminée, nous nous rendons dans la salle paroissiale et attendons l’arrivée du Père Alexandre ou du Père Guy pour la bénédiction de la table. Cette salle paroissiale, attenante par la cour à l’église, joue un rôle important dans la vie paroissiale. Elle permet les rencontres et les partages, sans compter son utilité pour l’atelier d’iconographie et les agapes (repas « blinis », fête paroissiale annuelle, fêtes liturgiques…). Et puis nous rentrons à Maredret où nous dînons dans l’après-midi. Le dimanche est donc vraiment pour nous le « Jour du Seigneur » et nous Lui consacrons cette journée.

Y a-t-il plus grande joie que de nous souhaiter mutuellement chaque dimanche, en la fête de la Résurrection : « Sprasnicom ! » « Bonne fête ! » Et que dire de la nuit de Pâques et de la période pascale où nous échangeons : « Christ est ressuscité ! En vérité, Il est ressuscité ! » « Khristos Voskrese ! Voistinu Voskrese ! »

Le triple baiser de paix fraternel renforce ces liens profonds en Dieu.

La vie sacramentelle (celle des sacrements) nous unit les uns aux autres et nous conduit vers Dieu.

Quel bonheur que de pouvoir venir dans notre église chaque dimanche et aux fêtes et de vénérer le Christ, la Très Sainte Mère de Dieu, le Saint Précurseur et tous les saints présents grâce aux icônes ! Chaque paroissien a ses amis dans l’iconostase et sur les murs et les retrouve avec joie, en allumant des cierges et en demandant leur intercession.

Le fait que notre paroisse fasse partie de l’Archevêché des églises orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale est aussi un cadeau de Dieu : pour nous, Belges et Européens, notre archevêché est le lien privilégié (je dirais même le « fleuve ») qui nous permet d’être unis à la Sainte Russie, de bénéficier de ses traditions, de ses rites et… de la protection de ses saints (y compris des néo-martyrs des septante années de régime athée et communiste). La décision prise lors de l’assemblée générale extraordinaire à Paris du 23 février 2019 de maintenir l’Archevêché nous a soulagés car prétendre que notre archevêché n’a plus de raison d’être depuis la chute de l’Union soviétique est une vision humaine erronée : Dieu seul sait combien nos paroisses de l’Archevêché ont pu « ensemencer » nos terres européennes, après la tourmente athée et communiste dans la Sainte Russie, terres européennes qui se déchristianisent désormais à grande vitesse.

Nos premiers contacts avec le slavon nous ont fortement perturbé car l’incompréhension était totale. Heureusement, grâce à Marie qui nous avait donné les photocopies des textes de la Divine Liturgie de saint Jean Chrysostome en slavon et en grec (en phonétique et avec la traduction en français), nous avons pu entrer, chaque dimanche un peu plus, dans la Divine Liturgie. Le livret russe/français réalisé au même moment par le Père Alexandre nous est toujours d’une grande aide. La barrière de la langue (souvent invoquée pour déprécier les paroisses de tradition russe ou autres) n’en est en réalité pas une pour qui veut aller plus loin dans la vie ecclésiale et liturgique. L’équilibre entre l’usage du russe et du français est excellente dans notre paroisse car les ponts sont solides entre les paroissiens : on se comprend toujours, ne serait-ce que par un sourire ou une inclinaison ou par le partage de cadeaux lors des fêtes. Ces derniers dimanches, deux frères grecs et leur Maman âgée participent à la Divine Liturgie. Au moment de la prière du Notre Père, le Père Guy, du sanctuaire, leur donne sa bénédiction pour qu’ils prient, après le russe et le français, le Notre Père en grec. C’est un moment béni car il rappelle que l’Église du Christ est universelle et que les nationalismes sont une perversion humaine…

À plusieurs reprises, il y a eu des tensions dans notre paroisse (heureusement pas fréquentes et permanentes). Nous les avons ressenties ou bien certains ont essayé de nous faire prendre parti. C’est le résultat de l’action du Diviseur (Diabolo) qui cherche toujours à détruire, à salir, à faire souffrir et à diviser. Lorsque nous ressentons et que nous voyons les « fruits de l’Esprit Saint » (« Mais le fruit de l’Esprit, c’est l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bénignité et la fidélité » Épitre du saint Apôtre Paul aux Galates, 5, 22), nous savons que le Diviseur n’est pas présent et n’est pas à l’œuvre. Nous n’avons jamais voulu prendre position pour un clan ou pour un autre, priant quotidiennement pour les uns et pour les autres. Bien sûr, ces tensions nous ont attristés mais nous avons toujours voulu conserver l’hesychia, cette paix intérieure qui provient de l’Esprit Saint.

Nous sommes vraiment reconnaissants à notre paroisse de nous avoir menés à Dieu. Nous n’oublierons pas non plus : les cours de découverte de la Bible, de la théologie et de la prière donnés par le Père Alexandre après la Divine Liturgie, la bénédiction des eaux… de la Meuse à Liège, les concerts de chants sacrés dans notre église ou ailleurs, la rédaction et la lecture de Nadeja/Espérancedont c’est déjà le 35èmenuméro, le partage avec les paroissiens nécessiteux, la riche bibliothèque avec de nombreux ouvrages russes mais aussi français, le jardin soigneusement entretenu par Vladimir durant les quatre saisons…

Au moment de quitter définitivement la Belgique pour nous rapprocher du saint monastère de Solan dans le Gard (France) [2], nous pouvons dire que nos deux années et demi de présence au sein de notre paroisse ont été des moments exceptionnels dans notre vie et que nous ne pouvons que nous exclamer, comme notre saint Père Jean Chrysostome : « Gloire à Dieu pour tout ! »

Merci au Père Guy, au Père Alexandre, à Matouchka et aux membres du chœur, à Jean-Baptiste, à David, aux acolytes, à Igor, à Vladimir mais aussi à toutes les paroissiennes et à tous les paroissiens. Nous les gardons dans notre cœur et notre pauvre prière et nous leur demandons de faire de même pour nous. Malgré la distance (plus de 900 km), nous resterons paroissiens. Que la Très Sainte Mère de Dieu, saint Alexandre Nevski, saint Séraphin de Sarov et tous les saints de la Sainte Russie nous protègent !

Une icône
de la sainte famille impériale de Russie
jetée dans une poubelle

Il y a environ trois ans, j’étais dans un magasin de vente et d’achat d’objets de seconde main dans la région namuroise et j’aperçois, dans le bureau d’accueil, là où l’on réceptionne les objets proposés à la vente, une grande icône sur carton représentant la sainte famille impériale de Russie jetée dans la poubelle.

Je l’avais évidemment reconnue au premier coup d’œil, mon intérêt pour la Sainte Russie étant vif depuis mon adolescence[3].

Souhaitant vraiment la récupérer, je me suis dit qu’il ne fallait pas aborder la question de manière directe. J’ai donc demandé au responsable du magasin, en désignant la poubelle en question : « Est-ce votre poubelle ? » Il m’a répondu par l’affirmative. Je me suis alors dirigé vers la poubelle et j’ai pris l’icône en lui disant : « Je suppose alors que vous ne voyez pas d’inconvénient à ce que je prenne ce cadre ? » Le responsable n’a pas eu d’autre choix que de me permettre d’emporter cette icône.

Depuis lors, elle a été placée bien en vue chez nous à la maison.

Lors du dernier anniversaire de l’assassinat de la sainte famille impériale de Russie (mi-juillet 2018), j’ai apporté l’icône dans notre église en demandant au Père Alexandre de la bénir.

En sortant de l’église, Alexandre nous a pris en photo.

Les paroissiens ont été très surpris d’apprendre comment cette icône était arrivée chez nous.

Nous venons de demander à un ami encadreur de réaliser un cadre de protection afin de l’emporter à Saint-Maximin.

Saints néo-martyrs de la Sainte Russie, priez Dieu pour nous, aujourd’hui et demain.

Article rédigé par Nicolas Van Cranenbroeck le 10/03/2019 pour le bulletin périodique de la Paroisse Saint Alexandre Nevski et Saint Séraphin de Sarov (Liège) Nadejda/EspéranceN° 35, mai-juin-juillet-août 2019.

[1]Voir l’article intitulé « De la Terre Sainte à Liège en passant par la Bretagne : notre chemin vers l’Église » publié dans Nadejda/EspéranceN° 29, janvier-février-mars 2017, pp. 70 à 83.

[2]Voir l’article intitulé « Va-t-en de ton pays, de ta patrie et de la maison de ton père dans le pays que je te montrerai… Genèse, 12, 1 » publié dans Nadejda/EspéranceN° 32, avril-septembre 2018, pp. 129 à 149.

[3]Voir l’article intitulé « De la Terre Sainte à Liège en passant par la Bretagne : notre chemin vers l’Église » publié dans Nadejda/EspéranceN° 29, janvier-février-mars 2017, pp. 70 à 83.

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